Qu'est-ce qu'un eTalk?

Cet eTalk présente les axes pincipaux d’un projet de recherche subventionné par une bourse PRIMA du Fonds National Suisse, MARK16.
Un eTalk est un objet multimédia digital, qui présente un discours enregistré accompagné du texte, de slides, de références et d’hyperliens. Il est entièrement citable en détail, via des url accessibles par le bouton partage.
Pour savoir comment un eTalk fonctionne, vous pouvez prendre le temps de regarder la brève vidéo de démonstration en cliquant sur la barre blanche sous le slide.

Marc 16 comme sujet de recherche

Le projet MARK16 porte sur une énigme bien connue de la critique textuelle du Nouveau Testament, la fin de l’Evangile selon Marc. Se termine-t-il en 16,8 : «Elles sortirent et s'enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur » ? Si oui, cela signifierait que le second évangile canonique ne rapporte pas de récit d’apparition de Jésus ressuscité.
Les attestations manuscrites offrent plusieurs variantes pour cette fin de chapitre. La fin brève en 16,8 est attestée dans les deux plus anciens manuscrits qu’on possède pour Mc 16, le codex Sinaiticus (01) et le codex Vaticanus (03), 4ème siècle. On la trouve encore dans la minuscule 304 (12ème siècle), comme le souligne Keith Elliott.
Toutefois, diverses variantes sont attestées après 16,8, listées par exemple par Camille Focant, telles que la finale longue Mc 16,9-20 bien sûr, ou d’autres variantes telle le logion de Freer, dans le Codex Washington.
L'hypothèse d’une fin perdue ou supprimée a aussi été émise.

Mc 16,8 dans la recherche

Au cours des dernières décades, l’hypothèse d’une fin de l’évangile en Mc 16,8 a gagné la « part du lion » dans les débats exégétiques, ce qui a conduit par exemple Camille Focant à affirmer en 2006 que cette hypothèse était un résultat pratiquement admis dans la recherche.
Sur la base de cette option à succès en critique textuelle, de nombreux chercheurs ont proposé des interprétations pour comprendre une telle finale à l’Evangile selon Marc. Parmi eux, Gert van Oyen a argumenté en 2012 que l’intention de Marc était de signifer que « la présence du Christ crucifié-ressuscité [est] réelle dans les existences de ceux qui vivent entre ‘peur et espoir’ ».
En 2016, usant d’une lecture intertextuelle avec un écrit de Jacques Derrida, McLellan a proposé de comprendre que la fin en 16,8 « démontre [qu’une] ‘mémoire pour le futur’ a aussi une fonction de hantise, car un fantôme ne peut jamais vraiment mourir ».
Quant à Stephen Hultgren, il propose de lire une reprise intertextuelle de Dn 10,7 en Mc 16,8 qui établirait « un schéma de révélation, dissimulation et future révélation, dans lequel la résurrection des morts est différée apocalyptiquement – sa vérité reste non confirmable jusqu’à ce qu’elle advienne à la fin des jours ».
Toutefois, d’autres hypothèses ont également été soutenues quant à la fin de l’Evangile selon Marc, comme on le voit dans le collectif édité en 2008 par David Alan Black.
Clayton Croy a même utilement rappelé en 2006 que « le point de vue majoritaire qui s’est développé dans la partie tardive du 20ème siècle et s’est maintenu jusqu’à ce jour, est en contraste tant avec le vivant débat des années soixante et septante, qu’avec le consensus opposé qui prévalait avant cette époque ».

Observer les manuscrits

Dans cet état de la recherche apparemment stable, la culture digitale pourrait toutefois être une force moteur pour en modifier notre perception. En effet, on peut à présent observer en ligne une quantité de manuscrits du Nouveau Testament. Et cela change tout. Pour le cas qui nous occupe, nous n’avons en effet aucune attestation du dernier chapitre de Marc antérieure au 4ème siècle, ni aucune attestion sous forme de papyrus. Comme signalé ci-dessus, Marc 16 se termine en 16,8 seulement dans les codex 01 et 03 et la minuscule 304. Observer ces deux codex peut conduire à partager la conclusion de Keith Elliott : les scribes « étaient conscients […] que la fin de Marc était controversée ».
Et vous ? Qu’en pensez-vous ?
Prenez la peine de regarder le codex Sinaiticus en Mc 16, 8 en cliquant sur le lien direct qui se trouve au bas de votre écran.
Et observez également le codex Vaticanus, dont les superbes folios se trouvent aussi en ligne. Comme on peut le voir, il y a plus d’une colonne vide après Mc 16,8, sur le folio concerné.
Ce n’est pas par hasard comme le démontre la comparaison avec les finales des trois autres évangiles de ce codex. L’Evangile selon Marc commence directement à la troisième colonne d’un folio, juste après la fin de Matthieu.
Il en est de même pour Jean après Luc, ainsi que pour les Actes des Apôtres qui s’enchaînent directement à la seconde colonne après la fin de l’Evangile selon Jean.Donc, aucune hésitation : dans le codex Vaticanus, il y a plus d’une colonne qui a été laissé vide après Mc 16,8. Que s’est-il passé ?

La diversité du christianisme primitif

La quête est complexe, mais la conséquence immédiate de ces observations est de réaliser la diversité des attestations que nous avons pour cette fin plutôt ouverte. Je souhaite souligner que porter attention à cette diversité est au moins aussi important que la quête de la plus ancienne version. Elle reflète la vivacité des débats dans le christianisme primitif, et provoque en retour des débats tout aussi animés dans la recherche contemporaine. Cet exemple est un cas d’école pour illustrer la question soulevée par l’historien François Hartog : est-il possible d’écrire l’histoire du point de vue tant des vaincus que des vainqueurs ?
Ou pour le dire avec les mots cet auteur : « Alors que l’histoire des vainqueurs ne voit que d’un seul côté, le sien, celle des vaincus doit, pour comprendre ce qui s’est passé, prendre en compte les deux côtés. Une histoire des témoins ou des victimes peut-elle faire droit à cette exigence qu’emporte avec elle le très vieux mot d’historia ? ».

Le projet

Dans le projet MARK16, notre objectif est de construire un nouveau modèle de recherche en sciences humaines pour obtenir un environnement de recherche virtuel (VRE) apte à montrer la diversité des vaincus et des vainqueurs dans les communautés chrétiennes primitives, ainsi que dans le débat académique contemporain. Diversité et comparaison des positions sont ici en jeu.
Durant la première année, nous construisons l’architecture de ce VRE qui sera consacré à un sujet de recherche, en l’occurrence une variante textuelle du Nouveau Testament.
Il offrira une petite chambre de manuscrits avec différents folios disponibles pour Mc 16, en diverses langues. Il présentera tout le matériel disponible en open access ou référencé en ligne, matériel audio-visuel inclus, notamment sous forme de data visulalization.
Dans cet environnement virtuel de recherche, nous construirons un outil innovant pour comparer efficacement les diverses positions des chercheurs. Il permettra aux utilisateurs de construire leur propre opinion et hypothèse à partir du matériel rassemblé.
Le premier mockup montre l’allure générale du VRE, avec le matériel classé chronologiquement. Le matériel audio-visuel sera également référencé et comparable aux productions écrites des chercheurs concernés.
On observera que les vidéos utilisent la rhétorique et que la communication peut y différer passablement des productions écrites. La rhétorique influence profondément notre manière de percevoir l’argumentation.
La visualisation des données sera développée en collaboration avec le projet Pelagios et l’outil Peripleo.
Pour finir, un nouvel outil sera développé pour comparer efficacement les positions des chercheurs sur le sujet. La préoccupation pour les utilisateurs et l’évaluation de leurs besoins seront centrales dans le projet.
Les collaborations internationales permettront de tester régulièrement les impressions des utilisateurs. La collaboration avec les collègues du comité scientifique sera cruciale pour tester le VRE. MARK16 se félicite de pouvoir compter dans son comité scientifique Leif Isaksen, Université d’Exeter, UK ; Jennifer Knust, Duke University, USA; Valérie Nicolet, IPT, Paris, France ; Laurent Romary, INRIA, Paris, France; Joseph Verheyden, Université catholique, Leuven, Belgique ; Peter Williams, Tyndale House, UK.
Un immense merci à l’équipe, point clé de la construction du projet! Pour conclure,
soulignons que la communication sera un point particulièrement important et nous prévoyons d’être présents sur Facebook, Twitter and notre blog. A suivre!
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